Justice pour Jake Sullivan

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Une doctrine Reagan contre Poutine

Il appartiendra aux historiens de dire quand la troisième guerre mondiale a précisément commencé. En 2014, lors de l’annexion de la Crimée par la Russie ? En 2008 lors de l’annexion larvée de l’Ossétie du Sud par la Russie ? En 2020 lors de l’adoption par Pékin de la loi sur la sécurité nationale, entraînant, de facto, la suppression de l’autonomie de Hong Kong ? Ou bien plus tôt, avant même la fin de l’URSS, avec les opérations téléguidées ou récupérées par le KGB au Nagorno-Karabakh (1988-1994), en Transnistrie (1990-1992) ou en Abkhazie (1992-1993) ? Il leur appartiendra également de comprendre si la chute de Gorbaciov et la fin de l’URSS a constitué une solution de continuité ou si, au contraire, la parenthèse « Eltsine » doit être considérée, à la même enseigne que l’utilisation des mouvements séparatistes, comme partie d’une stratégie plus large des structures de force et des milieux revanchistes et impérialistes russes.

A cette aune, le pivot asiatique restera comme le signe le plus tangible de la faiblesse de la Présidence Obama en matière de sécurité et de relations internationales. Non qu’il n’ait pris acte d’une réalité, celle de la montée en puissance de la République Populaire de Chine et la menace que celle-ci faisait désormais peser sur la sécurité du monde. Mais, comme l’a dit Andrew A. Michta, l’émergence d’une nouvelle menace principale ne fait pas disparaître pour autant les autres menaces. Ainsi, définir, comme l’a fait Barack Obama, la Russie comme une puissance régionale n’était pas seulement diplomatiquement peu opportun, cela traduisait une sous-estimation de la persistance de la menace russe.

Alors que la Corée du Nord s’est maintenant invitée directement dans le conflit et que l’aide économique, technologique et militaire de la Chine à la Russie se poursuit quand bien même discrètement, il est urgent de penser la guerre en Ukraine à l’aune de la grande menace à la sécurité mondiale que représente la Chine. C’est une condition nécessaire, même si pas suffisante, pour pouvoir appréhender la stratégie de Washington à l’égard de l’Ukraine, en comprendre les raisons profondes, ses points forts et ses faiblesses.

Contrairement à la politique poursuivie sous la présidence Obama, la stratégie de l’Administration Biden s’inscrit, croyons-nous, dans une approche plus classique de la diplomatie américaine visant à la fois à préserver un certain équilibre entre puissances concurrentes et à neutraliser les risques de désintégration étatique. C’est elle déjà qui amena le Président Theodore Roosevelt à s’assurer en 1905, à la fin de la guerre russo-japonaise, que la Russie ne sorte pas trop affaiblie suite à sa défaite contre le Japon 1 (1), en veillant notamment à ce que l’île de Sakhalin ne passe pas entièrement sous contrôle japonais. En 1941, après la rupture du pacte Ribbentrop-Molotov, le Congrès américain s’empressa d’adopter le lend-lease en faveur de l’URSS (plus de 11 milliards de dollars), sans lequel, aux dires mêmes de Joseph Staline, l’URSS n’aurait pu gagner la guerre. Très préoccupé par une possible désintégration de l’URSS, le Président américain George H.W. Bush, condamna dans un discours à Kyiv le 1er août 1991, trois semaines avant la déclaration d’indépendance de l’Ukraine, le « nationalisme suicidaire », pris la défense de Gorbatchev et prôna la permanence d’une structure centrale (soviétique) en mesure de fonctionner.

Si l’appréhension du risque d’une désintégration de la Russie en tant qu’entité étatique est, comme nous le croyons, au coeur de la stratégie de Washington, il convient de s’interroger sur sa pertinence.

La Russie a vu en l’espace d’une centaine d’années la succession de trois régimes : tsariste, soviétique et politico-mafieux, s’appuyant sur une structure qui n’a pas connu de réelle solution de continuité : les services secrets. Le FSB a succédé au KGB, au NKVD, à la Guépéou, à la Tchéka, eux-mêmes successeurs et continuateurs de l’Okhrana tsariste. Le droit de propriété est resté ce qu’il a toujours été : relatif au bon vouloir du chef. Contrairement à 1917 et 1991, même l’hypothèse d’un changement de régime est extrêmement improbable. La colonne vertébrale du régime actuel, le FSB, reste extrêmement solide et ne connaît qu’un seul réel concurrent : l’armée russe et son service de renseignement. 2 (2)

Par contre, le risque d’une amputation d’une partie du territoire russe par un voisin ne semble pas figurer au coeur des préoccupations de Washington alors qu’il est, croyons-nous, beaucoup plus prégnant. Il nous ramène directement à la menace principale, à la question du pivot asiatique.

Il serait réducteur de circonscrire le pivot asiatique au piège de Thucydide, à la menace que la Chine, puissance émergente, constitue pour les Etats-Unis. Les ambitions impériales ont été une constante dans l’histoire de la Chine, histoire constellée de moments de grande expansion suivis d’implosion et de fragmentation. En outre, les desseins impérialistes de la République Populaire Chine font partie de son ADN totalitaire. C’est manifeste dès 1950, un an seulement après l’avènement de la République Populaire, avec l’invasion et l’annexion du Tibet ordonnées par Mao Tse-Tung. Ce l’est encore en 1962, lorsque la RPC occupe l’Aksai Chin. La suppression progressive du statut d’autonomie de Hong Kong au cours de la décennie 2010-2020, en violation des accords sino-britanniques tout comme la colonisation « douce » du Bhoutan 3 (3), relèvent également de ce registre.

Mais pour qu’un projet impérialiste ambitieux puisse être mis en oeuvre, il importe qu’il soit porté et incarné par un chef incontesté. C’est ce qui va se produire avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. La suppression de la clause « des deux mandats » maximum à la tête de l’Etat et du Parti lui permet de s’affranchir des limites temporelles quant à l’exercice du pouvoir. Elle indique, en filigrane, la fenêtre de tir pour la mise en oeuvre des initiatives de restauration impériale de Xi Jinping : à la fin de son troisième mandat de 5 ans, en mars 2028, il aura 75 ans, à l’issue du quatrième, en mars 2033, s’il parvient à conserver le pouvoir jusque-là, il aura 80 ans.

Où ? Tous les yeux sont bien sûr tournés vers Taipei. La « réunification » sur base du principe pourtant bafoué en ce qui concerne Hong Kong, d’ « un pays, deux systèmes », figure en tête des priorités de Xi Jinping. L’Armée de Libération Populaire a été sommée d’y travailler d’arrache-pied. Sa flotte dépasse déjà en tonnage celle de la marine de guerre américaine. D’imposants exercices militaires ont lieu régulièrement autour de Taiwan.

L’annexion de Taiwan par la RPC équivaudrait en effet à faire du détroit de Formose une mer intérieure chinoise, un endroit par où transite plus de 20% du commerce maritime mondial, pour un montant d’environ 2,45 trillions de dollars. Le Japon dépend du détroit pour 25 % de ses exportations et 32 % de ses importations, pour un montant de près de 444 milliards de dollars, la Corée du Sud, pour 23 % de ses exportations et 30 % de ses importations, pour un montant d’environ 357 milliards de dollars, l’Australie pour près de 27 % de ses exportations, soit 109 milliards de dollars.

En outre, l’annexion entraînerait le passage sous contrôle d’un régime totalitaire des producteurs taïwanais de semi-conducteurs (puces électroniques) qui assurent aujourd’hui plus de 60% production mondiale dont 90 % pour les produits les plus sophistiqués.

Pourtant tout indique qu’une invasion de Taiwan par la RPC reste un défis particulièrement difficile à relever. Outre la forte résistance que ne manquerait pas d’opposer l’armée et la population taïwanaises à une tentative d’invasion de la RPC, un tel scénario entraînerait très probablement l’entrée en guerre aux côtés des Taïwanais, des Etats-Unis, du Japon, de l’Australie, voire de la Corée du Sud, de la Grande-Bretagne et d’autres démocraties. Contrairement au débarquement de Normandie, Pékin devrait au préalable s’assurer la maîtrise de l’espace marin autour de l’île distante de plus de 130 kilomètres de la RPC. Il lui faudrait donc neutraliser non seulement les flottes américaine et taïwanaise mais aussi les redoutables marines de guerre japonaise et sud-coréenne. Des difficultés qui n’échappent pas, semble-t-il, au leadership militaire de la RPC.

Si on écarte les objectifs militaires de Pékin en Mer de Chine orientale ainsi que celui des îles japonaises de Senkaku, Diaoyu pour les Chinois, qui, pour symboliquement importants qu’ils soient, ont une valeur stratégique beaucoup plus limitée, et si l’on considère que Xi Jinping est désormais tenu à un devoir de résultat eu égard à ses ambitions de restauration impériale, la question qui se pose est celle de comprendre ce qui pourrait être un objectif impérial alternatif à celui de Taiwan et, dans l’affirmative, lequel ?

Partie de la Mandchourie historique, berceau de la dynastie Qing qui gouverna l’empire chinois de 1644 jusqu’à sa chute, en 1911, fenêtre de l’empire sur la mer du Japon, la Mandchourie extérieure fut, c’est selon, cédée par la Chine à la Russie ou annexée par la Russie suite au Traité d’Aïgoun, en 1858, et de la Convention de Pékin, en 1860. Des traités que les Chinois qualifient toujours d’inégaux. D’une superficie d’un million de kilomètres carrés environ, elle compte 4,5 millions d’habitants. Côté chinois, l’ancienne Mandchourie intérieure fait partie du Donbei, la région Nord-orientale de la RPC. Cette région s’étend sur près de 800.000 kilomètres carrés et compte une population de quelque 100 millions d’habitants.

La partie de la Mandchourie extérieure qui borde la mer du Japon s’étend sur 130 kilomètres, de Vladivostok à la petite ville de Chasan, à la frontière avec la Corée du Nord. Large de quelques dizaines de kilomètres, parfois moins de 20 kilomètres, elle se situe à 1300 kilomètres de Pékin et plus de 5400 kilomètres de Moscou.

Même si les relations sino-russes peuvent sembler excellentes aujourd’hui, il ne fait guère de doute que pour l’Etat-major russe, la question de la défense de cette langue de terre relève d’une gageure. Les généraux russes ont par ailleurs certainement en mémoire le conflit frontalier de 1969 entre la RPC et l’Union soviétique, en mars autour de l’île Damanski-Zhenbao sur le fleuve Amour et en août le long de la frontière sino-soviétique, à Terekti, dans le comté de Yumin au Turkestan oriental (Xinjiang), non loin du Kazakhstan. En toile de fond de cette guerre non-déclarée entre deux puissances nucléaires : la rupture des relations sino-soviétiques et, déjà, la dénonciation par les Chinois des « traités inégaux ». Ce conflit largement occulté par Pékin et Moscou, opposa quelque 800.000 soldats chinois à 650.000 soldats soviétiques et se solda par la mort de quelques dizaines de soldats selon Moscou, 8.000 selon Pékin et plus de 20.000 selon la CIA.

On ne peut bien sûr exclure que Jack Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, ait eu notamment ce scénario à l’esprit lorsqu’il a déclaré, avant même sa nomination, que ‘la plus grande tâche du prochain président était de « ne pas laisser la relation avec la Russie s’effondrer complètement », car cela conduirait à « l’impensable ».

Mais les faits survenus depuis le 22 février 2022 semblent indiquer que pour le conseiller à la Sécurité alors « in pectore », l’ « impensable » renvoyait à autre chose. Au risque d’une confrontation nucléaire ? Cela a certainement pu interférer dans les réflexions de l’Administration américaine en raison d’une très probable sous-évaluation par les services de renseignement américains des capacités de dépistage d’un régime pourtant connu pour son énorme savoir-faire en matière de guerre hybride. Alors qu’il est de notoriété publique que le régime russe a investi d’énormes ressources pour acheter des complicités dans le monde politique, journalistique, économique et académique occidental, il est en effet difficilement concevable que ce même régime n’ait pas investi des ressources importantes pour dépister les services de renseignement occidentaux au moyen de conversations téléphoniques préfabriquées entre généraux russes sous écoutes des services américains ou en chargeant des agents double de relayer des messages alarmistes.

Mais la Russie ne peut tout simplement pas recourir à l’arme nucléaire. Cela l’exposerait à une réponse conventionnelle dévastatrice de la part des Etats-Unis, cela lui aliènerait les soutiens dont elle dispose encore dans le dit tiers-monde, cela entraînerait un ultérieur et drastique renforcement des sanctions occidentales, cela n’aurait pas d’effet militaire significatif et, last but not least, cela entraînerait une profonde détérioration de ses relations avec une Chine soucieuse de pouvoir mener, à l’avenir, des opérations militaires sans risque d’escalade.

L’ « impensable » auquel se réfère le Conseiller National à la Sécurité est, croyons-nous, toujours le même que celui de George H.W. Bush : l’implosion du régime russe et la désintégration de la Russie. L’ « impensable » auquel l’Administration Biden ne semble pas avoir assez pensé : un affaiblissement de la Russie à un point tel qu’il remette en cause l’équilibre en Extrême-Orient entre la Chine, le Japon et la Russie, créant par la même occasion des conditions de prédation de parties du territoire russe.

Une aide à l’Ukraine trop lente, qualitativement et quantitativement insuffisante, des lignes rouges peu pertinentes, ne pouvaient, de toute évidence, envoyer le bon signal à tous ceux qui dans l’establishment militaire, économique et politique russe auraient pu et pourraient encore constituer une alternative au clan de la guerre incarné par Vladimir Poutine. En allongeant la durée du conflit, elle a contribué à créer une situation où l’armée russe, affaiblie et bientôt privée des immenses réserves d’armements de l’époque soviétique, sera de moins en moins en mesure de défendre ses frontières extrême-orientales, augmentant par la même occasion les probabilités d’un conflit.

Nous touchons ici du doigt une autre limite de la politique ukrainienne de l’Administration Biden. La problématique de la « relation avec la Russie » de Jake Sullivan, mérite en effet que l’on s’y arrête. De quelle Russie s’agit-il en effet ? En cas de victoire de l’Ukraine, le parti de la guerre incarné par Poutine, Bortnikov, Patrushev, Shoigu, Naryshkin, Medvedev, Peskov, Lavrov et quelques autres, subirait indiscutablement une cuisante défaite. Mais pourrait-on en dire autant de la Russie ? A l’exception de la restitution toujours renvoyée des îles Kouriles de Kounachir, Itouroup, Chikotan et Habomai au Japon, son territoire resterait celui qui est le sien depuis 1991. Débarrassé de toute ambition impériale, extrêmement coûteuse en termes de ressources humaines et matérielles, le parti anti-catastrophe pourrait finalement s’atteler au développement des immenses territoires et populations de la province profonde, laissés pour compte depuis des décennies. Du travail pour trois générations.

Pour qu’une partie significative du leadership russe comprenne qu’il n’y a pas d’alternative à la mise à l’écart du parti de la guerre, l’Occident tout entier doit abandonner la clause de style selon laquelle il appartient aux Ukrainiens de définir eux-mêmes les conditions de la paix avec la Russie. L’Occident se doit d’articuler précisément ses intérêts et ses objectifs politiques, autrement dit amener la Russie à renoncer à sa vision coloniale et à mettre un terme à un accroissement territorial annuel équivalent à la surface des Pays-Bas durant les 300 ans de l’empire tsariste 4 (4)

En plus du retour de la souveraineté de l’Ukraine dans ses frontières de 1991, une sécurité durable du continent européen passe par un retrait des forces russes de Transnistrie et la pleine réintégration de cette région dans la République moldave, le retrait des forces russes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud et la réintégration de ces régions dans la République géorgienne, leurs zones frontalières avec la Russie passant sous le contrôle direct de Tbilissi ainsi que l’organisation, sous étroite supervision internationale, de nouvelles élections au Belarus. Indispensable à la sécurité de ces pays et de l’Europe toute entière, l’adhésion à l’Otan de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Géorgie et de l’Arménie constitue également pour les Russes le meilleur antidote à toute nouvelle tentation impériale.

Mark Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, a raison quand il suggère que l’Ukraine reporte toute négociation de paix avec la Russie. Plus que jamais l’Occident doit fournir à l’Ukraine, en quantité et en qualité, tous les armements dont elle a besoin pour se défendre et pour récupérer les territoires actuellement occupés par la Russie. Et si l’on peut entendre certaines réticences des pays de la ligne de front – Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne, à trop dégarnir leurs armées au profit de l’armée ukrainienne, les pays de la seconde ligne – Allemagne, République tchèque, Roumanie et, plus encore, les pays de la troisième ou quatrième ligne – Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Italie, Espagne, … n’ont aucune excuse. Ils ne font face à aucune menace imminente. L’échec militaire substantiel de l’opération spéciale russe en Ukraine, la récente débâcle de Moscou en Syrie ainsi qu’une situation économique de plus en plus difficile démontrent à suffisance que Moscou n’est, en l’état, absolument pas en mesure de mener une autre guerre conventionnelle en Europe. L’objectif du retrait de la Russie d’Ukraine, de Moldavie, de Géorgie et d’Arménie constitue le meilleur investissement des Européens en matière de défense du continent. Cela implique qu’ils passent outre les résistances de leurs Etats-majors et puisent dans les stocks d’armements – modernes – de leurs armées respectives et les transfèrent à l’Ukraine.

Dans un tel scénario, il n’y aurait nul besoin pour les pays européens de faire de la surenchère – 3%, 3,5%, 4% – sur la question de leurs futures dépenses de défense, avec l’espoir aussi d’amadouer le prochain président américain. Avec un budget de la défense de 2% ou 2,5% de leur PIB, les pays européens membres de l’Otan pourraient aisément pourvoir à la défense de l’Europe, mener conjointement certains projets de recherche et développement, en particulier dans le secteur de la défense anti-missiles et de la défense contre les menaces hybrides. Cela permettrait aux Etats-Unis de limiter leur contribution à la sécurité européenne au commandement intégré et à la dissuasion nucléaire et concentrer l’essentiel de leurs ressources à la menace asiatique.

Malheureusement, en déclarant qu’il était « contre les frappes sur la Russie avec des missiles américains à longue portée, car cela ne fait qu’aggraver la situation », Donald Trump semble s’inscrire, avec le style qui est le sien, dans la ligne de Jake Sullivan, celle donc de préserver la relation avec Poutine et le clan de la guerre. Une approche que partagent, en substance, ceux qui, comme le Président Emmanuel Macron ou le Ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, se disent prêts à envoyer des forces d’interposition en Ukraine et entériner par là l’annexion de facto de parties du territoire ukrainien par la Russie. A n’en pas douter, Xi Jinping a toutes les raisons de se réjouir : Trump et, avec lui, Macron, élaborent la jurisprudence qui lui permettra d’annexer en toute impunité des territoires en Mandchourie extérieure, voire, en guise de zakouski, les récifs philippins des Scarborough. En attendant Taiwan.

Pendant ce temps, à Moscou, la chute du rouble continue, la pénurie de main-d’oeuvre est de plus en plus aigüe, les énormes stocks d’armements soviétiques sont proches du tarissement, l’inflation frôle les 9%, les sanctions rendent l’accès aux marchés extérieurs de plus en plus difficile, les réserves financières s’épuisent, la grogne monte dans les milieux économiques, les critiques certes encore voilées se multiplient.

Tout « deal » qui impliquerait une annexion de fait de parties du territoire ukrainien et un véto à l’adhésion future de l’Ukraine à l’Otan, a fortiori sanctionné par la présence de contingents militaires européens sur la ligne de front, représenterait le moment de basculement stratégique de l’Occident tout entier. Le compte à rebours de la mise en oeuvre du projet impérial de Xi Jinping serait lancé.

L’année 2025 sera cruciale. Et l’argent, plus que jamais, sera le nerf de la guerre. Comme Ronald Reagan en 1983 avec l’annonce du lancement de l’Initiative de Défense Stratégique (le bouclier anti-missiles), les Occidentaux ensemble, ou, en l’absence, les pays européens les plus déterminés, n’ont d’autre alternative que celle de doubler la mise en créant de toute urgence les mécanismes financiers qui permettent d’assurer une aide militaire à l’Ukraine de 200 milliards d’euro pour 2025 et 2026. 

 

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Notes:

  1. Traité de Portsmouth
  2.  Le GRU emploie 40.000 personnes, à comparer aux 150.000 agents du FSB (non compris les 200.000 gardes-frontières du FSB); l’armée russe compte environ 1,5 million de soldats.
  3. « The Politics of China’s Land Appropriation in Bhutan », Robert Barnett, The Diplomat, October 15, 2024
  4. « L’expansionnisme russe : permanence des objectifs et récurrence des méthodes », Françoise Thom, Desk Russie, 12 mai 2024

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