Emilio De Capitani et Olivier Dupuis
Strade, 12 février 2019, VoxEurop, 26 février 2019
« Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’État de droit. Elle place la personne au coeur de son action en instituant la citoyenneté de l’Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice… »
Voilà ce que l’on peut lire dans l’incipit de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, charte qui a, depuis le 1er décembre 2009 et l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la même valeur que les Traités.
Dix ans plus tard, on peut raisonnablement se demander si cette réorientation des politiques européennes en direction des personnes et des citoyens a vraiment eu lieu ou si l’Union européenne ne reste avant tout un grand marché dont les acteurs principaux demeurent les opérateurs économiques ou les consommateurs mais pas les citoyens. Tout comme on peut se demander si le système de gouvernement supranational ne demeure pas plus intéressé à favoriser les intérêts des administrations nationales en lieu et place de ceux des citoyens et des personnes comme le demande la Charte.
La relation de l’Union européenne avec les citoyens européens continue à être filtrée par des administrations nationales qui dans la plupart des cas s’approprient le mérite des avancées dues au droit européen tandis qu’elles attribuent à Bruxelles la responsabilité exclusive des choix impopulaires.
Ce comportement est malheureusement accepté par les institutions européennes et, en particulier, par la Commission alors que celui-ci est non seulement contraire à l’obligation de coopération loyale entre Etats membres et Union (Art. 4.3 du TUE) mais qu’il mine quotidiennement la confiance des citoyens dans la construction européenne.
Malheureusement la déformation quasi systématique de la réalité de la part de nombreux gouvernements nationaux va de pair avec une politique législative au niveau européen toujours plus emprunte de timidité voire de replis limitant, de fait, la portée potentielle des droits fondamentaux et de citoyenneté des citoyens européens. Que l’on pense aux difficultés rencontrées depuis 11 ans par la proposition de directive anti-discrimination qui a pour objectif de transposer normativement le principe d’égalité entre les citoyens européens. Alors que ceux-ci devraient bénéficier « … d’une égale attention de ses institutions, organes et organismes » (Art. 9 du TUE), force est de constater qu’ils peinent toujours à suivre le processus administratif et de décision européen sans parler du parcours à obstacles que constituent les recours administratifs ou juridictionnels et les rares exceptions dans le droit européen qui autorisent des recours collectifs.
La déception des citoyens européens même quand ils réussissent à se documenter sur la législation européenne dans les rares domaines, certes importants que sont l’environnement, la protection des consommateurs ou la recherche, n’a donc rien de surprenant.
Tout se passe, ou presque, comme si l’Union européenne était encore pour l’essentiel un grand marché et non un nouveau sujet politique qui tire sa propre légitimité et sa raison d’être précisément de ses citoyens (Art. 10 du TEU).
La déception des citoyens est d’autant plus significative quand elle a pour objet le Parlement européen, l’institution qui les représente directement. Depuis le Traité de Lisbonne, ce dernier est en fait et en droit sur un pied d’égalité avec le Conseil en ce qui concerne la plupart des politiques européennes. Il semble pourtant avoir perdu l’élan et la détermination dont il avait fait preuve au cours des dix premières années qui ont suivi l’introduction de la procédure de codécision (1994-2004). Il accepte de jouer le rôle de servant du Conseil, voire même de la Commission, alors qu’il devrait en être l’aiguillon et le contrôleur. Mais en abdiquant ainsi son rôle et en devenant de fait complice de l’inertie des autres institutions, il risque de perdre la confiance non seulement des eurosceptiques mais également celle des ex-euro-enthousiastes qui pourrait l’abandonner à son triste sort en contribuant à faire baisser encore le pourcentage de participation aux prochaines élections européennes.
D’où l’importance de promouvoir au plus vite des initiatives qui renforcent l’interaction directe entre les citoyens et les institutions de l’Union et, en particulier, le Parlement européen, en plus des autres institutions, agences et organismes qui peuvent exercer une fonction de contrôle et d’aiguillon de l’UE et de ses Etats membres.
En ce sens anche la proposition d’une réforme radicale du Conseil de l’Union qui devrait se transformer en un Sénat européen, autrement dit en une institution qui travaille de façon continue, dont les membres peuvent être connus et reconnus par les citoyens européens, dont les débats sont ouverts, en bref, une institution politique à tout point de vue et non plus bureaucratique.
De même, il conviendrait de promouvoir une série de réformes qui renforcent tant la transparence des processus de décision de l’Union que la participation à ceux-ci des citoyens européens et de la société civile. C’est dans cet esprit que nous proposons à tous les citoyens et à toutes les forces politiques qui souhaitent renforcer l’Union une série de réformes ponctuelles déclinées ici sous forme de pétition au Parlement européen.
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