Libertiamo.it, le 5 avril 2012
Monsieur le Président du Conseil,
Comme vous le savez l’Ukraine se trouve, suite à l’inculpation de Mme Ioulia Timochenko pour « abus de pouvoir », dans une situation politique délicate et controversée qui s’est traduite notamment par le renvoi sine die par l’Union européenne de la signature de l’Accord d’Association.
L’Accord est à notre avis fondamental. Le futur de l’Ukraine en dépend : son rapprochement à l’Union européenne ou son irrésistible dérive dans l’espace géopolitique de la « dictature de la loi » poutinienne. Elle est aussi urgente. Selon des observateurs avertis, l’inclusion de l’Ukraine dans l’union douanière euro-asiatique – et son désengagement à l’égard d’une perspective de rapprochement à l’UE – semblerait constituer un objectif prioritaire du président Poutine.
L’Union européenne – c’est tout à son honneur – a maintenu jusqu’ici une position ferme, conditionnant la conclusion de l’Accord d’Association au retrait des charges pesant sur Mme Timochenko et ses co-inculpés, ainsi qu’à leur libération.
De leur côté les autorités ukrainiennes, toujours plus prisonnières de la situation, attribuent à l’Union la responsabilité de la non-signature de l’Accord et tentent ainsi de justifier devant leur opinion publique un coup d’arrêt qui pénalise surtout l’Ukraine.
Seule une initiative de l’Union déterminée qui permette aux uns et autres de sauver la face peut créer les conditions d’une résolution d’une crise autrement destinée à empirer.
Un compromis est possible. Il devrait s’articuler sur deux axes : un geste de bonne volonté du Président Victor Ianoukovitch qui consisterait à alléger la réclusion de Madame Ioulia Timochenko, qui pourrait se transformer en détention à domicile, et l’engagement du président ukrainien et des principaux partis politiques d’abroger dans les trois mois – et en tout cas avant les élections législatives du 28 octobre 2012 – la loi qui a permis d’inculper Mme Timochenko pour abus de pouvoir, loi de toute façon incompatible avec les standards internationaux.
De son côté, l’Union pourrait répondre à la requête de l’Ukraine d’introduire dans le préambule de l’Accord d’Association « la perspective de devenir membre de l’Union européenne » en s’engageant à se prononcer favorablement sur ce point avant la fin de 2014 – et donc avant la fin du mandat de M. Ianoukovitch -, à la condition que l’Ukraine réalise d’ici là un certain nombre de réformes permettant de garantir l’indépendance de la justice, le respect des droits humains et de la liberté de la presse.
Pour sortir de cette impasse, l’Union se doit de démonter la stratégie ukrainienne qui vise à jouer la montre et à se défausser de ses responsabilités « sur l’Europe » en mettant les autorités de Kyiv au pied du mur.
Madame Ashton et les 27 pourraient, sur base de l’expérience heureuse lors de la Révolution orange de 2004, donner mandat aux trois négociateurs d’alors – Aleksander Kwasniewski, ancien président de Pologne, Javier Solana, ancien haut représentant de l’Union européenne, Valdas Adamkus, ancien président de Lituanie – de trouver dans un délai d’un mois un accord satisfaisant pour les deux parties, étant entendu qu’en l’absence d’un accord, l’Union se verrait contrainte d’attendre l’arrivée d’une nouvelle majorité parlementaire et/ou d’un nouveau président ukrainien pour procéder à la signature et à la ratification de l’Accord d’Association.
Mais rester inerte, dans l’attente que le temps résolve les problèmes, serait une grave erreur qui ne serait dans l’intérêt ni de Kyiv ni de Bruxelles.
Olivier Dupuis, ancien député européen
Benedetto Della Vedova, président du groupe parlementaire FLI au Parlement italien, ancien député européen
Ferdinando Adornato, député au Parlement italien (UDC)
Gianni Vernetti, député au Parlement italien (API)